Les dynamiques du territoire : chiffres et contexte local

D’abord, quelques repères. Selon l’Insee, la part des personnes de plus de 60 ans dépasse les 24% dans plusieurs communes du Nord Essonne (source : Insee, recensement 2021). Longjumeau, Palaiseau, Massy ou encore Chilly-Mazarin affichent une nette progression de leur population âgée, comme une bonne partie du bassin sud-francilien. Face à cela, les politiques publiques insistent depuis une dizaine d’années sur la prévention de l’isolement et l’accès aux loisirs ou à la citoyenneté pour les séniors (Département de l’Essonne).

En parallèle, à l’échelle du Nord Essonne, on compte près de 18 centres sociaux (source : Fédérations départementale des centres sociaux de l’Essonne) et une trentaine de résidences autonomes, résidences services ou EHPAD. Les publics sont là, les structures aussi – mais comment le lien se tisse-t-il entre ces acteurs ?

Typologie des collaborations : des échanges ponctuels aux projets de territoire

Dans les faits, on retrouve trois grandes familles de coopérations entre résidences séniors et centres sociaux :

  • Les actions événementielles : animations, visites, repas partagés organisés à l’occasion de la Semaine Bleue, du Printemps des générations ou d’événements thématiques (par exemple, la Journée internationale des droits des femmes ou la Nuit des solidarités).
  • Les ateliers réguliers intergénérationnels : ateliers cuisine, jardins partagés, jeux de société, informatique, arts plastiques, où les habitants du quartier et les résidents se retrouvent sur le temps long, parfois au rythme hebdomadaire.
  • Des projets de territoire structurés : démarches participatives, programmes d’accompagnement au numérique, chantiers d’embellissement de quartier, et parfois créations artistiques ou publications collectives qui associent usagers du centre social et séniors volontaires.

En 2023, une enquête interne menée auprès de huit structures du secteur (résidences autonomie de Massy, centre social Alexandre Dumas à Longjumeau, Résidence Les Aulnes à Chilly-Mazarin, etc.) indique que 62% des résidences séniors organisent au moins un événement par an en partenariat avec un centre social voisin. Et, fait marquant, près de 40% portent au moins un atelier régulier commun, la plupart touchant à la transmission de savoir-faire ou à la lutte contre la fracture numérique.

Objectifs partagés : rompre l’isolement et favoriser la transmission

Les responsables de centres sociaux et d'établissements pour séniors interrogés s’accordent : l’enjeu premier, c’est la lutte contre l’isolement. Selon l’Observatoire national de l’action sociale (ODAS, rapport 2022), 1 personne âgée sur 3 vivant en résidence autonomie se sent isolée au moins un jour sur deux sans pour autant solliciter d’aide extérieure.

Parmi les objectifs régulièrement évoqués :

  • Créer des temps de rencontre nouveaux avec d'autres publics du quartier, notamment les enfants et les familles
  • Valoriser les compétences (cuisine, tricot, mémoire locale, vie associative)
  • Permettre aux seniors de continuer à jouer un rôle actif dans la vie locale
  • Faire découvrir aux “non-résidents” le quotidien en résidence autonomie pour déconstruire les préjugés
  • Développer la solidarité concrète : échanges de services, coups de main, veille de proximité.

Le Centre social Aimé Césaire à Palaiseau, par exemple, a co-organisé des ateliers cuisine intergénérationnels avec la résidence Les Tourelles dès la sortie du confinement. Plusieurs mamans du quartier ont exprimé leur envie d’apprendre des recettes traditionnelles de la région. Trois résidentes volontaires ont animé des sessions de pâtisserie. En retour, les jeunes du club ado sont venus installer les décorations estivales de la résidence.

Des initiatives locales qui font école

Ateliers numériques intergénérationnels : répondre à une attente forte

Depuis 2018, un projet porté par la ville de Verrières-le-Buisson associe la résidence autonomie Eugène Millet au centre social La Maison du Coteau autour d’ateliers numériques. Les adolescents aident les séniors à utiliser leur smartphone, les plateformes administratives, ou simplement à accéder à la visiophonie avec leurs proches. Plus de 70 séances menées en cinq ans, plus de 120 séniors y sont passés (Source : Mairie de Verrières).

  • Atelier Smartphone : initiation à WhatsApp, emails, prise de rendez-vous médicaux en ligne.
  • Photo numérique : tri, impression, partage de souvenirs.
  • Demarches administratives en ligne : site Impots.gouv, demande d’aides sociales, espace santé.

Côté séniors, le témoignage qui revient est celui de la reconnaissance : “On ne veut pas finir à la traîne, et puis ça crée des moments chaleureux”. Pour les jeunes, c’est souvent l’expérience des responsabilités et l’entrée en relation, “sans jugement, dans la vraie vie”.

Rencontres festives et ouverture du quotidien

À Massy, tous les printemps, la résidence Les Tilleuls et le centre social Espace famille organisent ensemble une “Fête du vivre-ensemble” : musique, buffet réalisé par les résidents et les familles, jeux de piste intergénérationnels, sensibilisation à l’accessibilité des espaces publics. En 2022, l’événement a réuni plus de 140 participants, dont une trentaine de collégiens (source : Association Les Petits Frères des Pauvres, implication locale). Dans ce cadre, des jeunes en service civique sont aussi encouragés à faire des visites régulières auprès des résidents, renforçant la synergie.

Le jardin partagé comme pont générationnel

Le jardin partagé de la résidence Les Aulnes, à Chilly-Mazarin, illustre une autre forme de collaboration : chaque mercredi après-midi aux beaux jours, les pensionnaires accueillent un groupe d’enfants du centre social, accompagnés de bénévoles retraités passionnés d’horticulture. Il s’agit autant de transmettre des savoirs que de créer du commun. L’une des retombées notables est la création d’un cahier des recettes “du potager à l’assiette”, distribué lors des portes ouvertes du centre social.

Quels leviers pour aller plus loin ?

La réussite durable des collaborations tient à plusieurs facteurs, appuyés par les retours des acteurs locaux et des études menées (Réseau des centres sociaux Essonne, ODAS).

  • L’appui des municipalités : La mise à disposition de salles, le financement des petits matériels, ou une convention tripartite Centre social – Résidence – Ville assure souvent la pérennité des actions.
  • Une implication des équipes d’animation : Lorsque des référents identifiés, côté résidence comme côté centre social, pilotent ensemble les projets, l’impact est plus marqué. La communication entre équipes est clé.
  • La souplesse organisationnelle : Les collaborations qui durent savent s’adapter : horaires, rythme, prise en compte des temps faibles de fréquentation, évolution des envies…
  • L’engagement des bénévoles et des familles : Derrière chaque atelier ou fête, la participation des proches, des associations de quartier ou d’anciens animateurs donne une dimension conviviale et durable aux projets.

Cependant, tout n’est pas simple. Les difficultés récurrentes citées sont : le manque de moyens matériels, la mobilité réduite de certains séniors, la lenteur administrative pour valider certains projets, ou encore la difficulté à toucher les publics les plus isolés. Côté centres sociaux, l’enjeu est parfois de susciter l’intérêt auprès des jeunes ou familles qui n’ont aucun contact avec les résidences.

Des impacts visibles, une dynamique à consolider

Sur le terrain, ces initiatives produisent des effets concrets : augmentation de la fréquentation des ateliers, création de binômes durables habitants-séniors, visibilité accrue de la résidence dans le quartier, mais aussi baisse du sentiment d’isolement exprimé dans les enquêtes de satisfaction. Par exemple, à la résidence autonomie Jean Rostand de Longjumeau, le taux de participation des résidents aux activités extérieures a progressé de 34% à 55% entre 2017 et 2023 (Source : rapport annuel résidence Jean Rostand).

Ces chiffres invitent à poursuivre l’effort : penser la collaboration sur le temps long, intégrer les nouveaux venus (nouveaux résidents, nouveaux habitants du quartier), renouveler la palette d’ateliers ou inviter d’autres acteurs (médiathèques, clubs sportifs). Plusieurs centres sociaux du Nord Essonne lancent désormais des dispositifs de parrainage entre jeunes volontaires et personnes âgées isolées, ouvrant de nouvelles formes de lien.

Pour s’inspirer : ressources et partenaires locaux

Le Nord Essonne n’est ni en retard ni en avance : il invente au quotidien, avec réalisme, des façons de mieux vivre ensemble. Si vous souhaitez poursuivre la réflexion, expérimenter ou rejoindre un projet local, les centres sociaux et résidences voisins sont souvent prêts à ouvrir la porte. Tout le monde a à y gagner : c’est ainsi que se bâtit un territoire vivace et solidaire.

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